Au fil de cette série, nous avons construit pas à pas les bases d’un patrimoine financier solide.
- Dans la partie 1, nous avons défini les fondations : vos objectifs, votre horizon d’investissement, votre tolérance au risque.
- Dans la partie 2, nous avons exploré l’univers des actifs financiers dans lesquels il est possible d’investir.
- Dans la partie 3, nous avons vu comment répartir ces actifs, et pourquoi l’allocation joue un rôle central dans la performance à long terme.
Il est maintenant temps de passer à l’étape la plus importante : mettre en pratique.
Un plan, même brillant, ne vaut rien s’il reste théorique. C’est l’exécution régulière, disciplinée, qui construit réellement un patrimoine.
Un portefeuille lazy
La stratégie présentée ici repose sur un principe clair : minimiser la complexité et le temps de gestion.
Nous construisons un portefeuille passif :
- composé d’ETF simples et diversifiés,
- alimenté par des investissements automatiques réguliers (Dollar-Cost Averaging, ou DCA),
- suivi une à deux fois par an, pas plus,
- conçu pour répliquer la performance mondiale, pas pour battre le marché (mais rassurez-vous, vous ferez probablement mieux que 90 % des investisseurs, y compris les professionnels).
Ce portefeuille s’adresse à celles et ceux qui veulent investir sans y consacrer leurs soirées ni leurs week-ends, et qui savent que la discipline et la régularité sont les vrais leviers de réussite en investissement.
L’exécution compte plus que la théorie
Beaucoup d’investisseurs débutants passent des mois à chercher la formule parfaite. Ils comparent les ETF, hésitent entre deux courtiers, attendent le bon moment pour entrer sur le marché.
Résultat : leur argent dort sur un compte courant ou un livret, et le temps passe.
Or, ce temps perdu est irrattrapable : l’investissement repose avant tout sur la durée et la régularité.
Un portefeuille imparfait mais exécuté aujourd’hui aura toujours plus de valeur qu’un portefeuille parfait mais jamais mis en place.
Les pièges classiques
- 1. Attendre le moment parfait
- Personne ne sait quand les marchés seront au plus bas. Les attendre, c’est s’exposer à ne jamais investir.
- 2. Chercher le produit parfait
- Il n’existe pas d’actif magique. Chercher à optimiser à l’extrême ne fait que retarder l’action.
- 3. Réagir aux émotions
- Panique quand les marchés baissent, euphorie quand ils montent : suivre ses émotions mène aux pires décisions.
Ce qui compte vraiment
Trois ingrédients expliquent la réussite d’un portefeuille :
- la discipline (tenir son plan dans la durée),
- la régularité (investir chaque mois, quel que soit le climat),
- la simplicité (éviter les couches inutiles de complexité).
Tout le reste est secondaire.
Construire son allocation de base
L’allocation, c’est la proportion entre actions (moteur de croissance) et obligations (stabilité).
C’est la brique la plus importante d’un portefeuille, bien plus que le choix exact des ETF.
Quelques repères types
- 100 % actions : profil très dynamique, horizon long terme (15–20 ans minimum).
- 80 % actions / 20 % obligations : profil équilibré avec un appétit pour la croissance mais un coussin de sécurité.
- 60 % actions / 40 % obligations : profil plus défensif, qui dort tranquille même quand les marchés baissent.
Ce qui compte n’est pas de trouver l’allocation parfaite, mais de choisir une ligne claire et de s’y tenir.
Deux manières simples de construire ce portefeuille
👉 Option 1 : un seul ETF multi-actifs
Exemple : Vanguard LifeStrategy 80% (IE00BMVB5R75) – combine actions monde et obligations monde dans un seul fonds.
- Avantage : simplicité maximale, un seul achat chaque mois.
- Inconvénient : choix limité, parfois frais un peu plus élevés.
👉 Option 2 : deux ETF cœur de portefeuille
- ETF actions monde :
- Amundi MSCI All Country World UCITS ETF (LU1829220216)
- 88% iShares Core MSCI World UCITS ETF (IE00B4L5Y983) + 12% iShares MSCI EM UCITS ETF (IE00B4L5YC18)
- ETF obligations globales investment grade :
- iShares Global Aggregate Bond UCITS ETF (IE00BDBRDM35)
- SPDR Bloomberg Global Aggregate Bond UCITS ETF (IE000AQ7A2X6)
Avec ces deux briques, vous avez déjà un portefeuille mondialement diversifié.
C’est pourquoi nous privilégions des ETF monde, qui captent la croissance partout où elle se trouve.
Pourquoi chercher la diversification maximale ?
Un investisseur débutant est souvent tenté de choisir ce qu’il connaît déjà : la Bourse française, l’Europe, ou encore les grandes entreprises américaines. Sur le papier, cela semble logique. En pratique, c’est risqué.
L’histoire montre qu’aucun marché ne reste dominant éternellement.
- Le Japon représentait près de 45 % de la capitalisation mondiale en 1989. Depuis, il a traversé trois décennies de stagnation.
- L’Europe était le centre économique du monde au début du XXe siècle. Aujourd’hui, elle pèse environ 15 % du marché actions mondial.
- Les États-Unis dominent actuellement, mais personne ne peut garantir qu’ils garderont cette place dans les 20 prochaines années.
C’est pourquoi il est essentiel d’investir dans le monde entier. Avec un seul ETF monde, on détient déjà plusieurs milliers d’entreprises de toutes tailles et de toutes régions. On ne parie pas sur le prochain gagnant : on détient déjà tout le marché.
Les bénéfices de la diversification mondiale
- 1. Réduction du risque spécifique
- Ne pas dépendre d’une région ou d’un secteur. Si l’Europe ou les US traversent une crise, l’Asie ou d’autres zones peuvent compenser.
- 2. Pas besoin de deviner l’avenir
- Inutile de se demander quel marché dominera : le portefeuille mondial capte automatiquement la croissance où qu’elle se trouve.
- 3. Volatilité réduite
- Tous les marchés ne bougent pas en même temps. La diversification mondiale amortit les chocs.
- 4. Simplicité
- Un seul ETF (MSCI World ou ACWI) suffit pour être exposé à plusieurs milliers d’entreprises. Moins de lignes = moins d’erreurs et moins de frais.
Les véhicules d’investissement
En France, il existe plusieurs enveloppes pour investir en Bourse. Chacune a ses spécificités fiscales et pratiques.
Assurance-vie
- Exemples : Les contrats assurés par Suravenir, Cardif, Abeille, Generali, Spirica
- Accès à une gamme large d’ETF selon les contrats
- Fiscalité avantageuse après 8 ans (abattement annuel sur les gains).
- Transmission facilitée en cas de succession.
- Bon support de départ pour construire un portefeuille simple et long terme.
- Pratique pour diversifier son portefeuille avec des actifs non-cotés (SCPI, Certificat Or, Private Equity…)
CTO (Compte-Titres Ordinaire)
- Exemples : Trade Republic, Boursorama, Fortuneo, Bourse Direct.
- Enveloppe la plus flexible : accès à tous les ETF mondiaux, actions et obligations, sans restrictions.
- Fiscalité : imposition immédiate des plus-values et dividendes (flat tax de 30 % en général).
- Incontournable pour une stratégie de diversification globale.
- Pour limiter l’impact fiscal, privilégier des ETF capitalisants (qui réinvestissent automatiquement les dividendes).
PEA (Plan d’Épargne en Actions)
- Exemples : PEA chez Boursorama, Fortuneo, Bourse Direct.
- Enveloppe fiscale très répandue en France.
- Permet d’investir dans des actions et ETF éligibles.
- Fiscalité allégée après 5 ans : exonération d’impôt sur les plus-values et dividendes (hors prélèvements sociaux).
- Plafond des versements : 150 000 € (hors PEA-PME).
En théorie, c’est donc un outil intéressant pour loger des actions.
En pratique, il présente plusieurs limites pour une stratégie lazy et mondiale.
PER (Plan d’Épargne Retraite)
- Enveloppe dédiée à la préparation de la retraite.
- Mêmes assureurs que pour l'assurance-vie
- Avantage majeur : les versements sont déductibles du revenu imposable, ce qui réduit l’impôt à court terme.
- En contrepartie, les fonds sont bloqués jusqu’à la retraite, sauf cas spécifiques (achat de la résidence principale, accidents de la vie).
- La fiscalité à la sortie dépend de la forme choisie (capital ou rente).
Passer à l’exécution
Un portefeuille n’a de valeur que s’il est réellement investi.
Il ne s’agit plus de réfléchir, mais d’agir.
La méthode est simple et tient en trois étapes :
- Définir un budget d’investissement mensuel (par exemple 200 €, 500 €, 1 000 €).
- Mettre en place un virement automatique vers votre assurance-vie ou votre CTO.
- Acheter chaque mois les mêmes ETF, sans se poser de questions, quel que soit l’état du marché.
C’est le principe du Dollar-Cost Averaging (DCA) : investir régulièrement, lisser son point d’entrée, et supprimer le stress de choisir le bon moment
.
Check-list exécution
- Ouvrir une assurance-vie et/ou un CTO.
- Sélectionner 1 ou 2 ETF cœur de portefeuille.
- Programmer un investissement automatique chaque mois.
- Ne pas intervenir en dehors du plan prévu.
- Laisser tourner pendant au moins 12 mois avant de vouloir “optimiser” ou “ajouter des briques”.
Exemple concret
Imaginons que vous souhaitez placer 500 € par mois. Alors répartissez le montant comme suit :
- 400 € dans un ETF actions monde capitalisant
- Exemple : iShares Core MSCI World UCITS ETF (IE00B4L5Y983)
- 100 € dans un ETF obligations globales investment grade
- Exemple : iShares Global Aggregate Bond UCITS ETF (IE00BDBRDM35)
C’est tout.
Deux lignes, un virement programmé, et un portefeuille mondialement diversifié est en place.
Entretenir son portefeuille
Un portefeuille passif n’a pas vocation à être piloté au jour le jour à la différence de la gestion active ou du trading.
La seule opération de maintenance nécessaire est le rebalancing.
Qu’est-ce que le rebalancing ?
C’est l’ajustement de votre portefeuille pour revenir à l’allocation cible que vous aviez choisie au départ.
- Exemple : votre portefeuille cible est 80 % actions / 20 % obligations.
- Après une forte hausse des actions, il est passé à 85 % / 15 %.
- Le rebalancing consiste à réinjecter un peu plus dans les obligations (ou à vendre un peu d’actions si nécessaire) pour revenir au 80/20 initial.
Fréquence
- Une fois par an suffit largement.
- Inutile de rebalancer plus souvent, cela créerait des frais et ajouterait du bruit inutile.
Et si vous choisissez un ETF multi-actifs
Avantage majeur : le rebalancing est intégré automatiquement.
Un ETF comme Vanguard LifeStrategy ajuste en continu la proportion actions/obligations pour rester aligné avec son allocation cible (ex : 80/20).
Vous n’avez strictement rien à faire, hormis continuer vos versements réguliers.
Bonus : sélections d’ETF intéressants
Voici des exemples d’ETF pertinents pour les différentes briques de la stratégie. Ils sont choisis pour leur large diversification, frais raisonnables, et accessibilité sur CTO / assurance-vie quand possible.
Usage / Allocation | Nom de l’ETF | ISIN | Particularités |
---|---|---|---|
Allocation mutli-actifs | Vanguard LifeStrategy 80 iShares Growth Portfolio UCITS ETF | IE00BK5BQT80 IE00BLLZQ805 | Combine actions + obligations → rebalancing intégré. |
Monde (actions globales, pays développés + émergents) | iShares MSCI ACWI UCITS Vanguard FTSE All-World | IE00B6R52259 IE00BK5BQT80 | Physique, capitalisant, très bonne diversification sur ~50 pays. Introuvables en AV malheureusement. |
MSCI World (pays développés uniquement) | Amundi MSCI World UCITS ETF – EUR (C) | LU1681043599 | Très utilisé, facile à trouver sur CTO / AV selon contrat. |
MSCI Emerging Markets (pays émergeant) | Amundi Core MSCI Emerging Markets Swap UCITS ETF | LU2573967036 | Utile pour compléter un ETF. |
Obligations globales diversifiées (investment grade + souveraines et corporates) | iShares Core Global Aggregate Bond UCITS | IE00BDBRDM35 | Exposition large à la dette États & entreprises, hedgé ou non selon version. |
ETF obligations US (Aggregate Bond) | iShares US Aggregate Bond UCITS ETF | IE00BYXYYM63 | Attention au risque de change si non couvert. Les USA restent le marché obligataire le plus liquide. |
ETF obligations Euro (Aggregate Bond) | iShares € Aggregate Bond ESG SRI UCITS | IE000CR3ZDF9 | Pour rester sur la devise locale |
Que faire si je ne trouve pas mon
ETF ?
Si l’ETF exact que vous voulez n’est pas disponible dans votre contrat d’assurance-vie ou votre PEA, voici des stratégies de secours :
-
Recomposer un indice monde :
Par exemple, utiliser un ETF
Actions Monde
+ un autreActions Émergentes
si vous ne trouvez pas un ACWI complet. Combinez 88% MSCI World + 12% MSCI EM et vous obtiendrez une exposition similaire. -
Par région :
Si pas d’ETF
Monde
, acheter séparément Europe, États-Unis, Asie etc. Ça complexifie un peu, mais reste possible. -
Pour les obligations :
Si vous ne trouvez pas un
Aggregate Global
, vous pouvez combiner : obligations souveraines européens, obligations US, corporate bonds + éventuellement marchés émergents.Ou opter pour fonds en euros / fonds obligataires
Europe + US
selon ce qui est offert dans votre enveloppe. -
Priorité aux ETF capitalisants (si possible) : pour éviter l’imposition sur les dividendes distribués (et simplifier la fiscalité).
Adaptation selon l’enveloppe
- Sur CTO, vous aurez presque toujours l’accès aux ETF les plus complets.
- Sur Assurance-vie, cela dépend du contrat : certains proposent un bon choix d'ETF, d'autres très limité. D'expérience, Suravenir et Spirica ont l'offre la plus étoffée.
- Sur PEA, les contraintes sont plus fortes : beaucoup d’ETF Monde ne sont pas éligibles ou ne le sont qu’en synthétique. Donc souvent il faudra s’adapter (prendre un ETF Monde éligible ou faire une combinaison).
Conclusion
Se constituer un patrimoine ne repose pas sur la recherche du produit miracle ni sur la capacité à prédire l’avenir.
C’est avant tout une question de méthode et de discipline.
Les trois principes qui font la différence sont simples :
- Diversifier mondialement pour réduire les risques spécifiques et capter la croissance où qu’elle se trouve.
- Investir régulièrement avec des versements automatiques (DCA), sans chercher à timer le marché.
- Tenir son allocation dans le temps, grâce à un rebalancing périodique ou en choisissant un ETF all-in-one qui l’intègre automatiquement.
Un portefeuille lazy, construit sur ces bases, permet d’investir sereinement, sans complexité inutile, et avec une grande robustesse.
Il ne s’agit pas de battre le marché, mais de l’accompagner. Pas de chercher le moment parfait, mais de rester régulier. Pas de multiplier les produits, mais de s’en tenir à quelques lignes solides.
La construction d’un patrimoine est une discipline de long terme. Ceux qui réussissent ne sont pas ceux qui font les meilleurs paris, mais ceux qui commencent tôt, investissent régulièrement, et restent fidèles à leur stratégie.
Pour aller plus loin
Je ne suis affilié à aucun organisme financier. Pour choisir le meilleur courtier, je vous recommande de consulter des sites comme Finance Héros ou Avenue des Investisseurs. Vous pouvez également consulter mon portefeuille personnel comme source d'inspiration.