Comprendre les cycles économiques pour mieux investir

4 adultes sur des montagnes russes, symbolisant les hauts et bas des cycles économiques

Vous n'avez jamais vu sur les réseaux sociaux ces influenceurs, un peu racoleurs (ils ont toujours quelque chose à vendre), qui prétendent l'avoir déjà dit à propos des crises économiques ?

Une prévision qui se réalise serait-elle l'ultime manifestation de la sagesse ? Et s'ils n'avaient pas tout à fait tort ? À force de répéter la même rengaine, ces oiseaux de mauvaise augure pourraient bien finir par avoir raison. Eh oui, tout finit par arriver. L'économie n'est peut-être pas si imprévisible que ça.

Mais derrière le bruit, il y a une réalité : l’économie suit des cycles, et ces cycles, on peut les reconnaître, même sans être économiste.

Parlons aujourd'hui des cycles économiques : comment, nous investisseurs, pouvons-nous comprendre où nous en sommes dans ces cycles, anticiper les changements, ajuster nos portefeuilles et saisir les opportunités au bon moment ?

L'objectif de cet article est de vous fournir quelques règles d'or, des heuristiques, pour pouvoir naviguer et vous préparer mentalement aux retournements inévitables des marchés.

Quels sont les grands cycles économiques ?

L'économie est rythmée par plusieurs cycles distincts qui interagissent et s'influencent mutuellement. Ces cycles, comme une symphonie complexe, créent ensemble la dynamique des marchés. Voici les cycles fondamentaux qui façonnent notre environnement économique :

CycleDéfinition
Cycle économiqueFluctuations du PIB, de l'emploi, de la consommation (boom → récession)
Cycle de créditExpansion (on prête à tout-va) → contraction (le crédit se raréfie)
Cycle de marchéAlternance bull/bear market, souvent influencée par les taux et le crédit
Cycle des matières premièresHausse ou baisse des prix selon l'offre/demande, souvent avec un temps de latence
Cycle psychologiqueEuphorie → complaisance → panique

Tout est imbriqué : une baisse des taux relance le crédit, qui stimule la consommation, qui pousse les entreprises à produire plus, jusqu'à ce que les excès s'accumulent… puis tout se retourne.

Mais ces cycles n’avancent pas tous au même rythme. Certains accélèrent, d’autres prennent leur temps. Et c’est là que les erreurs d’interprétation peuvent surgir.

Chaque cycle a son rythme

Un point essentiel à retenir : tous les cycles n'avancent pas au même rythme.

  • Les marchés financiers sont les plus rapides. Ils réagissent souvent en avance, avant même que l’économie ne montre des signes concrets de ralentissement ou de reprise.
  • L’économie réelle est plus lente à s’ajuster : les entreprises mettent du temps à licencier, investir ou ajuster leur production.
  • Les banques centrales sont réactives, mais avec un temps de latence : elles agissent sur la base de données passées.
  • Le cycle psychologique, lui, ne suit pas toujours la logique économique : la peur ou l’euphorie peuvent amplifier ou retarder certains mouvements. J'ai rédigé un article sur les biais cognitifs si vous voulez en savoir plus.

Comprendre cette asymétrie temporelle permet d'éviter les erreurs classiques, comme vendre en bas de cycle ou racheter trop tard. Il ne s'agit pas de tout prédire, mais de comprendre le tempo propre à chaque signal, et de les croiser intelligemment.

Ce qui fait bouger les cycles

Les cycles économiques sont influencés par quelques facteurs principaux :

  • Politique monétaire : les décisions des banques centrales sur les taux d'intérêt et la quantité d'argent en circulation ;
  • Politique budgétaire : les décisions de l'État sur les dépenses publiques, les impôts et la gestion des déficits budgétaires ;
  • Endettement : le niveau d'endettement global des ménages (projets immobiliers, consommation) et des entreprises (investissements, équipements) fluctue selon les différents acteurs économiques au cours du cycle ;
  • Inflation/déflation : quand les prix augmentent ou baissent, la banque centrale réagit en ajustant ses taux directeurs ;
  • Confiance : un facteur clé qui influence les cycles économiques. Elle représente le niveau d'optimisme ou de pessimisme des consommateurs (achats), des entreprises (investissements) et des marchés financiers (prise de risque).

Exemple : Quand les taux montent, le crédit coûte plus cher. Les ménages consomment moins, les entreprises investissent moins, la croissance ralentit, les bénéfices chutent… et les marchés corrigent.

Se situer dans le cycle

Il n'est pas simple de savoir exactement où on se trouve dans un cycle économique. Mais pas de panique : quelques indicateurs simples peuvent nous aider à nous repérer, même sans être expert en économie.

Voici une liste d'heuristiques utiles :

  • Taux d'intérêt réels (taux - inflation) : s'ils sont très bas ou négatifs, on est souvent en sortie de crise ou en phase d'expansion dopée aux liquidités. On pense au secteur de l'immobilier qui a été boosté par les taux d'intérêts très bas pendant des années, avant de subir un ralentissement brutal avec la remontée des taux.
  • Courbe des taux (spread 10 ans - 2 ans) : quand elle s'inverse, c'est souvent un signal de récession à venir. Vous pouvez le consulter sur le site de la Banque centrale européenne.
  • Chômage : un taux de chômage au plus bas indique généralement une fin de cycle d'expansion ; tandis qu'un taux en hausse signale souvent le début d'une phase de contraction.
  • Inflation : une inflation élevée et persistante indique une surchauffe économique, tandis qu'une inflation très faible peut signaler une récession ou une déflation.
  • Sentiment de marché (indicateurs de peur/avidité, positionnement des investisseurs) : utile pour le cycle psychologique. Le VIX est l'indice de la peur, qui monte généralement en période de crise.
  • Bénéfices des entreprises : une croissance des résultats indique une phase d'expansion économique ; une baisse signale généralement une phase de contraction du cycle.
  • Crédit bancaire : quand les banques resserrent les conditions de crédit, c'est rarement bon signe.

Résumé rapide

IndicateurSignal préoccupantInterprétation
Taux réelsTrès bas ou négatifsExpansion dopée
Courbe des tauxInverséeRécession à venir
ChômageCommence à monterDébut de contraction
InflationTrès élevéeSurchauffe
SentimentExtrême peurCrise en cours / momentum

Pris isolément, ces indicateurs ne disent pas grand-chose. Mais croisés intelligemment, ils vous donnent une boussole pour savoir si vous êtes en haut de la vague, en train de redescendre… ou déjà sous l’eau.

Évidemment, l'économie ne suit pas toujours un chemin simple et prévisible. Mais comprendre les grandes tendances nous aide déjà à mieux investir.

Ce que les cycles ne peuvent pas prédire

On a l'impression que les événements extrêmes sont de plus en plus fréquents, le monde est plus « volatile ». Si l'on peut anticiper les cycles économiques, il est impossible de prévoir les conflits, les changements politiques ou les catastrophes. Rien que ces dernières années, on a eu :

  • Le COVID-19
  • La guerre à Gaza, dans une moindre mesure
  • L'invasion de l'Ukraine par la Russie
  • L'arrivée de Trump au pouvoir

Ces « cygnes noirs » provoquent des chocs souvent violents mais de courte durée, le temps que les investisseurs retrouvent leurs esprits et que les « agents économiques » s'adaptent.

Quel actif pour quel cycle ?

Il ne s'agit pas de timer le marché parfaitement, vous connaissez mon avis sur le sujet, mais de comprendre comment se comportent les actifs dans votre portefeuille selon le cycle. Voici néanmoins les actifs qui se comportent le mieux suivant la situation macro-économique.

PhaseMacroActifs à privilégier
ExpansionCroissance +, inflation stableActions (value & croissance), immobilier, matières premières
SurchauffeInflation +, croissance stableOr, obligations indexées sur l'inflation, matières premières
RécessionCroissance –, inflation –Obligations long terme, cash, or
RepriseCroissance +, inflation basseActions cycliques, obligations high yield, petites capitalisations
Actifs à privilégier selon la phase du cycle économique

NB : En cas de stagflation (croissance faible ou négative + inflation élevée), l’or et certaines matières premières peuvent aussi bien se comporter. Cette situation hybride n’entre pas toujours parfaitement dans les cases, mais elle existe.

Quelle approche pour l'investisseur passif ?

Si vous êtes un investisseur prudent, ou que vous privilégiez la préservation du capital avant la recherche de performance, ces portefeuilles peuvent constituer une base robuste, simple à mettre en œuvre.

Le portefeuille All Weather de Ray Dalio

Pensé pour résister à toutes les conditions de marché, voici l'allocation typique avec des ETF :

Classe d'actifsETF UCITSISINAllocation cible
ActionsAmundi MSCI World UCITS ETF - EUR (C)FR001075609830 %
Obligations long termeiShares Euro Government Bond 15-30yr UCITS ETF (IBGL)IE00B1FZS91340 %
Obligations moyen termeiShares Euro Government Bond 7-10yr UCITS ETF (Acc)IE00B3VTN29015 %
OrWisdomTree Physical Gold (PHAU)JE00B1VS37707,5 %
Matières premièresWisdomTree Enhanced Commodity UCITS ETF - USD AccIE00BYMLZY747,5 %

Il est conçu pour limiter les pertes en période de crise, tout en captant une partie de la croissance en phase d’expansion.

Le portefeuille permanent d'Harry Brown

Plus simple que le portefeuille All Weather, il se compose de :

Classe d'actifsETF UCITSISINAllocation cible
ActionsAmundi MSCI World UCITS ETF - EUR (C)FR001075609825 %
Obligations long termeiShares Euro Government Bond 15-30yr UCITS ETF (IBGL)IE00B1FZS91325 %
OrWisdomTree Physical Gold (PHAU)JE00B1VS377025 %
Liquidités (court terme)Amundi Prime Euro Gov Bonds 0-1Y UCITS ETF DR (C)LU223315658225 %

Comparatif des 2 portefeuilles (2008-2025)

IndicateurPermanent PortfolioAll Weather PortfolioPortefeuille classique 60/40
Rendement annuel moyen6,2 %6,1 %7,5 %
Volatilité (écart-type)7,5 %8,4 %10,4 %
Perte max-15,9 %-21 %28,9 %
Source : https://www.portfoliovisualizer.com

NB : On compare ces deux portefeuilles à un portefeuille classique composé de 60 % d'actions et 40 % d'obligations.

Ces portefeuilles sont très faciles à reproduire avec des ETF. L'idée est d'avoir une allocation équilibrée qui performe dans tous les environnements économiques, avec un rebalancement annuel.

Portefeuille tactique

Pour ceux qui veulent être plus actifs dans leur gestion, une approche tactique consiste à ajuster légèrement les pondérations selon le cycle économique, tout en conservant une base stable. Par exemple, on peut surpondérer légèrement les actions en phase de reprise ou augmenter la part d'obligations quand les taux sont élevés.

Il faut cependant éviter de trop s'écarter de son allocation stratégique de base. Les ajustements tactiques doivent rester marginaux (5-10 % maximum du portefeuille) pour éviter les erreurs de timing.

Ne rien faire est souvent la meilleure approche. Assurez-vous que votre allocation reste alignée avec vos objectifs financiers et rééquilibrez régulièrement votre portefeuille. Soyez opportuniste : conservez une poche de liquidités pour saisir les bonnes affaires qui se présenteront. Ce n'est pas du cynisme, mais une stratégie contrariante. Les opportunités deviennent évidentes dans certaines situations, par exemple, lorsque le marché a chuté de plus de 20 %.

À retenir

Comprendre les cycles économiques ne vous rendra pas infaillible. Mais cela peut faire toute la différence entre réagir dans la panique et agir avec lucidité.

Il ne s'agit pas de prédire, mais d'observer, d'adapter et de rester aligné avec vos objectifs. En matière d’investissement, la régularité et la discipline battent presque toujours l’instinct.

Gardez votre plan, ajustez à la marge si nécessaire, et soyez prêt quand les opportunités se présentent.

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