Après quelques semaines de pause – congés d’automne et refonte du blog obligent (c’est pour bientôt) – j’ai pris le temps de réfléchir à ma stratégie patrimoniale.
Vous le savez, je défends depuis longtemps l’idée qu’il vaut mieux louer que d’acheter sa résidence principale.
Parce que :
- Je ne suis pas à l’aise à l’idée d’emprunter — héritage sans doute de mon histoire personnelle (j’en reparlerai un jour).
- Je veux rester libre de bouger quand je le souhaite.
- Je considère la résidence principale comme un actif de confort, pas comme un investissement.
D’un autre côté, j’ai un salaire correct, pas de dettes, et une bonne capacité d’emprunt.
Et surtout, j’ai compris qu’en matière d’investissement, la diversification permet de mieux contrôler le risque.
L’immobilier, surtout dans sa version non cotée, reste une bonne couverture contre l’inflation et une source de revenus stables.
Je n’ai pas envie de gérer des locataires ni de passer mes week-ends à réparer des fuites d’eau.
Donc, pas d’immobilier en direct.
Mais il existe une alternative : les SCPI.
Pourquoi une SCPI à crédit ?
L’immobilier est, à ma connaissance, le seul actif que l’on puisse encore financer à crédit dans des conditions financières acceptables.
Mon idée : acheter des parts de SCPI avec un crédit immobilier classique, et laisser les loyers rembourser une partie du prêt.
👉 Les intérêts d’emprunt sont déductibles fiscalement des loyers encaissés, ce qui réduit ou annule l’impôt foncier les dix premières années.
Autrement dit, on peut financer son patrimoine grâce :
- à la banque,
- aux locataires (via les loyers),
- et à l’État, via la déductibilité.
Analyse de la proposition reçue
En octobre 2025, j’ai contacté mon conseiller patrimonial
— entendez commercial en produits financiers — pour lui présenter mon projet.
J’ai reçu une simulation de financement à crédit pour un portefeuille de SCPI européennes diversifiées.
Mes critères :
- Un mix de plusieurs SCPI, bien réparties géographiquement et sectoriellement.
- Un reste à charge mensuelle équivalent à 15 % de mon épargne mensuelle, soit l’allocation maximale que je souhaite consacrer à cette poche.
La proposition “marketing”
| Donnée | Valeur |
|---|---|
| Montant du prêt | 70 000 € |
| Durée | 20 ans |
| Type de financement | Crédit amortissable classique |
| Taux (crédit + assurance) | 5,25 % |
| Mensualité | 477,52 € |
| Rendement moyen annoncé | 5,8 % brut |
| Impôt estimé | 444 €/an |
| Effort net mensuel | 157,83 € |
| TRI annoncé | 6,17 %/an |
Sur le papier, c'est séduisant : effort léger, levier fiscal, rendement élevé.
Mais je trouve le TRI un peu optimiste : une des SCPI, encore jeune, annonce plus de 10 % de rendement.
Je préfère une hypothèse plus prudente.
Le scénario réaliste
Je raisonne sur le long terme, avec un rendement plus réaliste et sans hypothèse de revalorisation des parts, l'immobilier évoluant par cycles.
| Hypothèse | Valeur |
|---|---|
| Taux global | 5,25 % |
| Rendement net moyen | 4,4 % |
| Revalorisation des parts | 0 % |
| Fiscalité | Intérêts déductibles (IR 30 %) |
| Effort moyen mensuel | ≈ 230 € |
| Horizon | 20 ans |
Ce qui donne :
| Élément | Résultat |
|---|---|
| Revenus nets SCPI | ~3 080 €/an |
| Impôt total sur 20 ans | ~5 000 € |
| Effort total sur 20 ans | ~55 000 € |
| Valeur finale (revente stable) | 70 000 € |
| TRI net réaliste | ≈ 5,4 %/an |
Comment lire l’effort total ?
L’effort total ne correspond pas au remboursement intégral du prêt (70 000 €), mais à la somme réellement sortie de ma poche après déduction :
- des revenus SCPI perçus chaque année,
- de la déductibilité fiscale des intérêts,
- et des années sans impôt foncier grâce à ce mécanisme.
Concrètement :
- Mensualités : ~5 700 € par an
- Revenus SCPI nets : ~3 000 €
- Économie d'impôt : ~500 €
→ Effort net : environ 2 700 €/an, soit 55 000 € sur 20 ans.
C'est la part réellement financée par mes propres moyens ; le reste est pris en charge indirectement par les loyers et la fiscalité.
Comment comprendre la valeur finale
?
Elle ne correspond pas simplement à la valeur des parts (70 000 €), mais au patrimoine global créé :
- 70 000 € : valeur des parts à la fin du crédit,
- ~60 000 € : revenus encaissés sur 20 ans,
- – ~55 000 € : effort total de trésorerie.
Soit un gain économique net d'environ 75 000 €, correspondant à une valeur cumulée de 100–110 k€ sur 20 ans et expliquant le TRI net réaliste de 5,4 %/an.
Comparaison avec un DCA 80/20
Pour comparer, j'ai pris le même effort mensuel (230 €) et simulé un DCA (Dollar Cost Averaging) sur un portefeuille agressif 80 % actions / 20 % obligations.
Hypothèses de marché (2005–2025)
- Benchmark : MSCI World / Bloomberg Barclays Global Aggregate Bond
- Rendement brut annualisé : 6,5–7 %
- Rendement net après fiscalité (PFU 30 %) : ≈ 5,5 %
- Volatilité moyenne : 12–15 %
- Inflation moyenne sur 20 ans : ≈ 2 %
Résultats comparés
| Paramètre | SCPI à crédit | DCA 80/20 |
|---|---|---|
| Effort mensuel | 230 € | 230 € |
| Horizon | 20 ans | 20 ans |
| Rendement net attendu | 5,4 % | 5,5 % |
| Valeur finale | 100–110 k€ | ≈ 105 k€ |
| Volatilité | Faible | Élevée |
| Fiscalité | Favorable (déductibilité) | PFU 30 % |
| Liquidité | Faible | Totale |
Le DCA fait légèrement mieux sur la durée, mais avec beaucoup plus de volatilité.
La SCPI à crédit reste un outil de diversification intéressant : rendement comparable, volatilité quasi nulle, revenu régulier.
Et la fiscalité dans tout ça ?
Le levier fonctionne aujourd’hui grâce à la déductibilité des intérêts d’emprunt, mais rien ne garantit que cela durera éternellement.
L’histoire fiscale française l’a montré :
- les règles changent,
- les niches se referment.
Si demain les intérêts n’étaient plus déductibles, ou si la fiscalité foncière s’alourdissait, le rendement net serait mécaniquement impacté.
Faut-il y aller ?
En cette fin 2025, les taux résidentiels tournent autour de 3 % pour les meilleurs profils, mais cela ne concerne pas les SCPI.
Pour un financement dédié, les taux réels observés avoisinent 5 % assurance comprise — le coût du crédit reste donc significatif.
Le levier fonctionne, mais c’est pas transcendant : il compense partiellement le coût du crédit grâce à la fiscalité, sans offrir de prime de rendement suffisante dans le contexte actuel.
C'est avant tout un outil de diversification patrimoniale :
- Utile pour créer un revenu futur stable,
- Faiblement corrélé aux marchés,
- Mais pas une martingale.
